mardi 29 janvier 2008

Borloo et l'économie du bien, par A.Madelin (déc.2007)

On connaissait l’économie de marché. Voici l’économie du Bien, celle qui prétend avec Jean-Louis Borloo « donner un avantage compétitif aux produits vertueux ».
Première application, le bonus-malus fiscal décerné par le gouvernement pour l’achat de véhicules automobiles neufs en fonction de leur rejet de CO2.
Une telle mesure n’inciterait guère à la critique si elle n’annonçait d’autres manipulations fiscales inspirées par le même esprit du Bien.
Car pour Jean-Louis Borloo ce n’est qu’un début : « nous allons essayer de mettre en place un système équivalent pour quelque 20 familles de produits ».

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Ainsi on réfléchit à l'idée de taxes nutritionnelles frappant les produits sucrés ou chargés en graisses pour pénaliser les mauvais comportements qui pèsent sur les comptes de notre assurance maladie.
On entend promouvoir au niveau européen « une taxation écologique des importations », un avatar écologique de feu la TVA sociale qui entendait faire contribuer les produits importés au financement de notre protection sociale (c'est-à-dire en fait les consommateurs français des produits importés !). Elle permettrait de faire coup double : taxer et les importations et les pays qui ne respectent pas le protocole de Kyoto (… et toujours faire payer le consommateur français !). On annonce encore que l’on réservera les allégements de charges sociales aux « bonnes » entreprises qui ouvriront une négociation sur les salaires.
Certes user de la fiscalité pour pénaliser ou récompenser certaines catégories ou modifier certains comportements n’a rien de bien nouveau.
Mais lorsque la planche à billet ne fonctionne plus, lorsqu’il est interdit de s’endetter davantage et difficile de prélever plus, il est tentant d’en faire une méthode de gouvernement, de suivre l’opinion en détaxant le « bien » et surtaxant le « mal ». Le déplacement donne l’image du mouvement.
La tentation est d’autant plus forte que la manipulation se nourrit d’un pseudo discours économique. Il est temps, explique-t-on, « d’introduire le véritable prix écologique d’un bien de consommation ». Bigre, la prétention n’est pas mince

En fait, ce « juste prix » ne peut qu’être arbitraire. Sur un marché, le signal des prix -par exemple le renchérissement du prix de l'essence- influe bien entendu sur les comportements pour pénaliser les voitures puissantes et de fait avantager les voitures moins gourmandes. En revanche, aucune rationalité économique ne peut justifier les tarifs ou les modalités de l’écopastille (Tout autre est le mécanisme des quotas de CO2 qui laisse le marché fixer le prix d'une contrainte publique.)
Pourquoi imposer un malus à l'achat d'un gros véhicule nécessaire au transport d'une famille ? Ne faudrait-il pas –comme on le propose- une prime de 5 g par enfant ! Et pourquoi pas, les personnes à charge ? Pourquoi calculer le malus de façon forfaitaire indépendamment des kilomètres parcourus ? Taxera-t-on les véhicules utilitaires ? Si non, est-il juste que le coiffeur bénéficie de la détaxation du plombier ? Pourquoi une famille avec une C 6 devrait-t-elle payer un malus de 1600 € alors qu'avec deux C2 elle bénéficierait d’un bonus de 700 € pour une pollution identique ? Difficile de faire des choix rationnels !
Dans une économie de marché, les prix expriment la préférence des consommateurs.
La manipulation fiscale des prix perturbe le message des prix. Et si les prix sont dictés par les préférences des politiques, les acteurs économiques sont invités à déplacer leur énergie vers le « marché politique » qui fonctionne sous la pression des groupes d’intérêts et des médias.
Le « politiquement visible » l’emporte sur les rouages de marché « invisibles ». Au risque de détraquer ces rouages et de provoquer d’immenses effets pervers.
C'est ainsi que de puissants lobbys industriels abrités derrière les agriculteurs ont imposé au nom de la planète des subventions massives aux biocarburants dont on s'aperçoit aujourd'hui -dans les conditions actuelles de production- qu’ils ne sont ni économiquement viables, ni écologiquement bénéfiques et qu'ils ont au surplus contribué à renchérir dangereusement les prix agricoles. On devrait de même jauger les éoliennes à leur rentabilité économique et écologique réelle.
Prenons garde de ne pas répéter les erreurs commises au fil du temps sur le marché du travail où l’interventionnisme dans la formation des contrats et des prix (revalorisations politiques du salaire minimum et exonération de charges) a fini par dérégler et l'embauche et la formation des salaires.
La manipulation fiscale des prix reste une manipulation dangereuse dont il serait prudent de modérer l’usage intensif qui s’annonce.
Le principe de précaution et de sérieuses études d’impact s’imposent.

lundi 28 janvier 2008

Jacques de Guénin, invité sur Bordeaux(2005)

« Oui, le libéralisme est social ». Jacques de Guénin qui a animé ce débat, a rappelé que les fondements de notre société sont d’inspiration libérale. La Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen est libérale afin de protéger les individus contre l’Etat.
Trois thèmes ont été développés :
- la solidarité n’est pas la collectivisation des besoins.
- L’égalité n’est pas l’égalitarisme
- La nécessité de créer une nouvelle dynamique libérale.

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En terre girondine, il convient de rappeler que l’anti-libéralisme dont se gaussent les médias et d’autres idéologues « bien-pensant » est une aberration. Les libéraux sont généreux et prônent le sens de la responsabilité de chacun alors que les socialistes sont des prédateurs qui cultivent l’envie. C’est en ces termes que Jacques de Guénin, président du Cercle Frédéric Bastiat et membre du comité exécutif de Liberté Chérie, s’est adressé aux trente participants au dîner-débat organisé par le Cercle Libéral de la Gironde. (le texte intégral de l’intervention, prononcée initialement aux Assises Libérales de Nantes en septembre dernier, est accessible par le lien suivant Oui, le libéralisme est social )

En ouverture des débats, Pascal Bérillon, délégué départemental, a souligné l’actualité du sujet par rapport aux crises dont souffre notre pays. Et si une véritable politique libérale était appliquée, aurions-nous les mêmes problèmes ? Crise du logement et des banlieues, conflits sociaux et grèves abusives, pression fiscale et croissance économique en panne, perte des valeurs et du sens de l’effort, etc.

Or, les fondements de notre société sont d’inspiration libérale. Jacques de Guénin rappelle que la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen est libérale afin de protéger les individus contre l’Etat. Il en est de même pour de nombreuses avancées sociales dont la légalisation des syndicats et le droit de grève, les conventions collectives, les mutuelles, les caisse d’épargne ou l’instruction primaire obligatoire préalable à la réussite par le mérite. Malheureusement, ces dispositifs ont été dévoyés par les socialistes et le colbertisme encore bien ancré dans les gènes des Français.
Prenons deux notions clés : la solidarité et l’égalité.

La solidarité n’est pas la collectivisation des besoins

La solidarité s’est traduite par le développement de l’assistanat et par un financement collectif à la charge des contribuables alors que des mécanismes libéraux fondés sur la générosité des individus et des structures associatives seraient plus efficients.

Voici, par exemple, ce qu’il conviendrait de faire par les quartiers par une logique décentralisatrice. Comme le démontre le Docteur Bruno Canovas, adjoint au maire de Bordeaux, le quartier nord de Bordeaux, pourtant historiquement sensible, n’a pas subi la crise des banlieues grâce à l’action sociale conduite par la municipalité et au tissu associatif. Des emplois y ont même été créés. Les quartiers doivent être au cœur des solidarités.
Pour les libéraux, il faut libérer les énergies et appliquer le principe de substitution aux entreprises de service public (la SNCM). L’état doit se recentrer sur ses fonctions régaliennes. Illustration de cette tendance, la plupart des pays de l’Europe de l’Est qui ont rejoint la Communauté Européenne deviennent libéraux. Au lieu de cela, nous baignons dans un environnement social libéral « mi-mi ».

Aussi, Philippe Vigué, correspondant local des Cercles thématiques, complète les propos de Jacques de Guénin par une réflexion relative à l’intervention publique.

En effet, véritable révolution du XXème siècle, l’État social, n’a paradoxalement pas sa théorie. Cette absence de théorie est patente si on se réfère à l’économie publique dominante. Les Libéraux, les Sociaux libéraux s’accordent sur l’essentiel : la baisse du coût du travail est susceptible de réduire le chômage. Mais là où les libéraux préconisent la suppression (ou la réduction) du Smic et des allocations chômage, les sociaux libéraux préconisent, pour leur part, l’intervention de l’État. L’étatt doit réaliser le « programme du marché », en l’occurrence réduire le coût du travail. D’où les mesures d’"aides publiques à l’emploi" ou d’"impôt négatif" (pour inciter les chômeurs à accepter des "petits boulots".

Comment penser l’État social ? Retenons trois logiques :
- Une logique institutionnelle qui repose sur l’idée simple - selon laquelle l’intérêt général ne peut se réduire au jeu des intérêts particuliers. Est-ce acceptable pour le Libéralisme ?
- Une logique de socialisation de la production de richesse et des revenus. Le financement de la protection sociale par la cotisation signifie qu’à la fin de chaque mois, une fraction de la richesse produite par le travail est "prélevée", c’est-à-dire, socialisée, pour être (sans passage par la capitalisation) reversée sous formes de prestations sociales ; Est-ce libéralement acceptable ?
- Une logique de mieux-être social qui signifie que la vocation de l’État social n’est pas seulement de garantir un filet de protection minimale pour les plus démunis –garantir à tous, que demain sera meilleur qu’aujourd’hui. Les prestations sociales, n’offrent pas qu’un minimum social mais un certain niveau de vie. Est-ce une doctrine libérale ?

Pour les libéraux, il importe de renforcer le primat de l’individu sur le collectif en se fondant sur les principes moraux de notre civilisation et sur le respect d’autrui.

L’égalité n’est pas l’égalitarisme

Plusieurs constats sont mis en exergue lors de la soirée.

L’ascenseur social a été bloqué par les socialistes. L’éducation nationale renforce le nivellement par le bas au lieu de prôner le mérite et la réussite afin de sélectionner les élites.

Au concept de discrimination positive énoncé par Nicolas Sarkozy, Jacques de Guénin préfère utiliser l’expression américaine de « affirmative action ». C’est à dire : donner sa chance à chacun, sans quotas de toutes natures, sans barrages pour les personnes de couleur.

Sur un plan économique, le groupe relève que les pôles de compétitivité lancés par le gouvernement ne sont pas d’inspiration libérale. Si l’activité est rentable, le pôle de compétitivité émerge naturellement. Il ne s’agit donc pas de décréter la création d’un pôle Aéronautique Espace en Aquitaine sans se donner les moyens d’impulser les synergies entre l’Education nationale et l’Industrie.

Le libéralisme ne doit pas rester au niveau des seuls cercles de réflexion

Le courant libéral est en panne comme si le référendum du 29 mai avait fait taire ses leaders. Faut-il avoir peur d’employer le mot libéral et changer d’étiquette ? Non, nos partenaires étrangers ne comprendraient pas. Bien au contraire, il faut réhabiliter le libéralisme.

Nous avons besoin d’un leader. Alain Madelin, réveillez-vous et vite ! Les libéraux ont besoin de vous entendre. Les Libéraux ont besoin de repères.

Nous avons besoin de créer une nouvelle dynamique libérale :
- Sur un plan politique par l’émergence d’élus et de candidats libéraux aux postes clés de l’Etat et des collectivités locales. Que font les Réformateurs sur le terrain ? Observons que 34 % des nouveaux adhérents de l’UMP se disent libéraux. Alain Madelin et Hervé Novelli doivent se faire entendre. Une fenêtre de tir est ouverte.
- Sur un plan associatif par le développement des Cercles Libéraux mais aussi d’autres associations. Le succès de la soirée et la teneur des débats illustrent le rôle nécessaire des libéraux dans la pensée économique, politique et sociale.
- Sur un plan actif par des actions visibles à l’instar de celles menées, notamment, par Liberté Chérie à Marseille contre la grève de la RTM.

Pascal Bérillon

dimanche 27 janvier 2008

Echanges et Paix

Echanger, c’est donner et recevoir des biens s’il s’agit de commerce, des idées s’il s’agit de dialogue. Ces échanges sont le contraire de la guerre, où l’on prend sans donner, où l’on impose sa position sans écouter celles des autres. Mais les ventes d’armes et les échanges d’injures ne sont pas moins contraires à la paix.

Dans quelle mesure les échanges ont-ils un effet bénéfique sur les relations entre les Etats et entre les individus ? Suffit-il d’échanger pour ne plus se battre ? Bref, quel effet politique peut-on espérer de l’économie et de la culture ?

L’ignorance est source d’hostilité et d’incompréhension. Faute de s’intéresser aux autres cultures, nous les trouvons ridicules et barbares. De cet ethnocentrisme brutal dérivent toutes les formes de rejet de l’autre. A l’inverse, la connaissance que deux cultures prennent l’une de l’autre est déjà une forme d’amitié et de reconnaissance mutuelle.

Et c’est une idée chère aux Lumières que le commerce favorise la paix. Montesquieu remarque que les relations commerciales supposent un besoin réciproque des nations, en sorte que chacune a intérêt à demeurer en bons termes avec les autres. Le peuple phénicien, qui était le plus grand peuple commerçant de l’antiquité, était aussi le moins belliqueux.

On objectera que l’industrie de l’armement présente un intérêt économique tout en favorisant la guerre. Malgré les théories de la dissuasion, la prolifération des armes de destruction massive apparaît comme une menace. Certains trafics ont en outre intérêt à ce que les conflits durent.

Même en accordant que les échanges favorisent l’entente entre pays, ils ne sont sans doute pas aussi favorables à la paix civile. Car le développement des relations commerciales engendre la concurrence et crée de nombreux litiges. Selon Montesquieu, ce qui unit les nations divise les citoyens.

Il ressort que l’intérêt n’est pas une garantie suffisante de la paix, qui pour être durable doit reposer sur la volonté de s’unir. Les relations commerciales dissuadent de faire la guerre et font aimer la paix mais seulement comme un moyen, avec lequel il est donc toujours possible de transiger. Or, la paix n’est-elle pas une question de principe ?

Mais s’il est douteux que l’intérêt soit un fondement suffisant de la paix entre les hommes, le commerce et même les conflits d’intérêt ont pour conséquence le développement du droit et de la législation. Or, s’il est vrai que la paix internationale est inséparable du droit, on peut considérer que la justice des échanges, si elle ne produit pas la paix, du moins la prépare.

samedi 26 janvier 2008

santé publique santé particulière

Je ne comprends pas et je ne décollère pas!!!
Depuis le 1°janvier 2008 nous ne devons plus fumer dans les bars les resto etc....
OK!!! je sais :la fumée est tres nocive...c'est mauvais pour notre santé !alors le grand Etat que nous avons (qui pense pour nous agit pour nous et réflechit pour nous)fait voter des lois à n'en plus finir.Résultat des courses:
Tous les bars à chicha bordelais ont fermé....celui de la place saint Pierre essaie de se transformer en salon de thé....avec difficulté et le patron de ce bar à déjà licencié du personnel....(c'est vrai et c'est bien connu lorsque l'on rentre dans ces bars là c'est évidement sous la contrainte ....et les non fumeurs sont en majorité....)
Hier je passai devant un bar tabac.(Vous pouvez y entrer pour acheter cette satannée cigarette au passage vous verserez un pourcentage élevé à l'état...mais vous ne pourrez pas la fumer à l'interieur....)donc je disais qu'hier je passai devant ce café bureau de tabac et qu'elle surprise !!!le patron du bar tabac (qui est donc chez lui qui paie ses impots etc etc)était obligé par la loi de sortir de chez lui pour fumer sa cigarette....bref il n'est plus maitre chez lui....!!!
Attention ami bordelais un jour lorsque vous aurez la malencontreuse idée d'éternuer dans la rue on vous montrera du doigt et peut être même on vous verbalisera car vous ne porterez pas de masque et que de toute façon si vous avez attrappé la grippe se sera de votre faute car vous ne vous serez pas lavé les mains assez souvent....Le lobbye des hygiennistes...!!!Mais attendez ce n'est pas fini....dernièrement on m'a proposé une potion miracle qui vient des Etats Unis....une potion avec à l'intérieur 17 fruits et légumes bio évidement et qui vont participer à l'équilibre de mon système immunitaire....à raison d'1 litre par jour et qques euros bien sur....j'ai répondu tres aimablement que j'étais Corrézienne petite fille de paysans et que les fruits et les kégumes je connaissais....et qu'à mon avis manger simplement comme le faisait nos parents et nos grands parents préservait certainement notre système immunitaire....un peu de bon sens que diable....!!!et de savoir vivre et de responsabilité!!!
Mais n'ayez crainte ami bordelais notre grand Etat bienfaiteur veille sur nous !!vous pouvez dormir tranquille....
Bonne semaine à tous et à bientot
MA

mercredi 23 janvier 2008

La modernité de la pensée libérale par Alain Madelin.

Par formation, par tradition, le français ne serait pas fait pour un libéralisme qui, par nature, nous-dit on, correspond beaucoup mieux aux particularités historiques et sociologiques du monde anglo-saxon qu'au nôtre.

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Propos d'Alain MADELIN
Il s'agit-là d'une idée reçue. Nous avons perdu de vue le rôle central joué par les auteurs libéraux français des 18ème et 19ème siècles dans la fomation, la conceptualisation et la diffusion des idées libérales.

Sans leurs apports, le libéralisme serait sans doute resté une pensée inachevée.
Rien n'est plus habituel, par exemple, que de faire remonter les sources de la pensée économique libérale à Adam Smith. Le philosophe écossais serait non seulement le fondateur de la science économique, mais plus encore le véritable inventeur, le " découvreur " du libéralisme économique. Présenter les choses ainsi occulte tous les apports d'une tradition française qui, tout au long du 18ème siècle, a produit des ouvres essentielles. Elle minimise notamment le rôle fondamental de Turgot dans la formation des concepts de base de la pensée économique libérale moderne. Des travaux scientifiques ont récemment révélé l'ampleur des emprunts qu'Adam Smith avait réalisé auprès de son illustre contemporain français.
De même, on oublie que la grande littérature libérale des Etats-unis s'inscrit directement dans la tradition d'une école d'économie politique américaine fondée au début du 19ème siècle par l'ancien Président Thomas Jefferson sur la base d'un manuel qui n'était autre que la traduction réalisée par lui d'un ouvrage d'un auteur français, le comte Destutt de Tracy. Ainsi, bien des idées qui nous reviennent aujourd'hui d'outre-Atlantique ne sont en fait que des reformulations et développements modernisés de concepts ou d'analyses dont les prémisses ont généralement été posées par des auteurs bien français : par exemple toute l'analyse moderne des mécanismes de la croissance de l'Etat que l'on retrouve déjà anticipée chez les auteurs libéraux de la Restauration (Charles Comte, Charles Dunoyer, Augustin Thierry), et plus encore chez Frederic Bastiat et les collaborateurs du Journal des Economistes.
Sur un plan scientifique, beaucoup d'économistes seront sans doute étonnés d'apprendre qu'il existe actuellement un courant anglo-saxon qui vise à réhabiliter l'oeuvre de ces économistes français du 19ème siècle en démontrant que leurs jugements se fondaient sur une démarche scientifique incomparablement supérieure à celle de leurs rivaux britanniques, les fameux Manchestériens (Ricardo, Malthus...) présentés dans tous les cours d'université comme les fondateurs, à la suite d'Adam Smith, de la vraie science économique. Alors que ces derniers éprouvaient encore beaucoup de mal à résoudre le problème des origines de la valeur ? et contribuaient ainsi à entretenir les germes de ce qui allait plus tard former le coeur de la doctrine marxiste ?, les économistes français rejetaient déjà résolument les ambiguités de la théorie de la valeur-travail pour adopter (malheureusement sans être encore en mesure de l'expliciter clairement) une conception "subjective" et très moderne de la valeur.
Enfin, il est à la mode d'accuser les libéraux contemporains du péché d'économicisme, et de leur reprocher de ne plus accorder suffisamment d'attention aux vraies valeurs de l'Humanisme européen. En faisant le procés de l'Etat-étouffe-tout, en appelant à la régression des dépenses publiques, en condamnant les nationalisations et les excès de l'économie administrée, en dénonçant les abus de la protection socialisée, en se faisant les défenseur de la propriété, les libéraux "à l'anglo-saxonne" trahiraient les idéaux humanistes de leur tradition. Le libéralisme présenterait le défaut rédhibitoire de conduire à la victoire des comportements individualistes, au détriment de tout ce qui peut incarner la présence de valeurs de solidarité ou d'identités collectives.
Ce procès de l'individualisme n'a rien de nouveau. C'était déjà ce que socialistes et conservateurs reprochaient de concert aux libéraux français du 19 ème siècle. Les travaux de ces derniers prouvent pourtant à quel point ce reproche est infondé, et résulte plus de fantasmes idéologiques et politiques que d'une analyse réelle de la pensée de ceux qui étaient concernés.
Que Benjamin Constant ou Alexis de Tocqueville échappent généralement à cette opprobe n'empêche pas que les autres partageaient le plus souvent la même conviction sur l'importance du rôle des traditions, du respect des valeurs et des solidarités communautaires, mais que c'était précisément au nom de la préservation de celles-ci qu'ils s'attaquaient aux monopole de l'Etat moderne avec une virulence très souvent bien au-delà de ce que l'on trouve aujourd'hui dans la pensée libérale même la plus agressive. Excellents prophètes de ce qui allait s'enchaîner avec l'avènement des Etats providence contemporains, et en raison même des leçons qu'ils avaient eux-mêmes tirées de leur expérience révolutionnaire, les libéraux français du 19ème siècle ont été les premiers à comprendre que c'est l'excès d'Etat qui conduisait paradoxalement à l'anomie sociale aujourd'hui si fréquemment mise au débit du libéralisme.

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Les vrais contours du libéralisme

Ces remarques sur l'histoire de la pensée libérale dans notre pays me conduisent tout naturellement à préciser une nouvelle fois les contours de cette pensée libérale, ainsi que les contributions qu'elle apporte tant au progrès social qu'au progrès économique. La pensée libérale est très souvent assimilée à un certain nombre de recettes économiques qui asservissent l'homme et le mettraient au service exclusif des chiffres. En réalité, cela n'a aucun sens. La pensée libérale, avant d'être une pensée économique, est une pensée philosophique, juridique et politique de la libération de l'homme.

Un libéralisme philosophique et politique

Le libéralisme correspond d'abord et avant tout à l'idée que l'homme est un être moral, un être de conscience, un être libre, libre de faire le bien comme le mal. Et c'est précisément cette liberté de choisir en conscience de faire l'un ou l'autre, l'un plutôt que l'autre, qui fonde sa responsabilité; responsabilité vis-à-vis de Dieu son Créateur pour les uns, vis à vis des exigences de sa raison pour les autres. A son tour, c'est parce que le libéralisme voit d'abord et avant tout dans chaque être individuel ce qu'il y a de responsable, qu'il en conclue que tous les hommes sont moralement égaux, et qu'il pose ainsi le principe de l'égale dignité de tous les êtres humains.
Défini de cette façon, le libéralisme est le produit d'une longue histoire philosophique qui débute en Grèce il y a vingt cinq siècles, est ensuite portée par le grand souffle du christianisme, et se trouve finalement consacré par les déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, véritable charte des libertés individuelles. C'est une doctine qui, par construction, se déclare l'ennemie irréductible de toutes les thèses qui prônent l'inégalité des hommes ou des races.
Concrètement, cela veut dire que pour les libéraux il existe au-dessus de tout pouvoir humain, qu'il soit d'essence autocratique ou démocratique, une autre loi, fruit de la nature de l'homme, de son histoire et de notre civilisation, qui s'impose à lui comme à tous les autres hommes, et qui limite ce qu'il peut naturellement faire ? par exemple violer les droits des autres. Au nom de ce principe essentiel je suis de ceux qui considèrent que si 51 % des français, ou même 99 % votaient la suppression des droits de l'homme, cela n'empêcheraient pas ceux-ci de continuer à exister, et donc de s'imposer à tous comme un devoir moral.
Pour moi, c'est d'abord cela être libéral. C'est un refus farouche de la loi du plus fort; et donc de ramener le droit à la simple expression du choix des plus forts, ou des plus nombreux.

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Un libéralisme juridique

Il s'ensuit qu'aux yeux d'un libéral la démocratie ne peut se réduire à l'exercice du seul principe majoritaire. La loi de la majorité doit se trouver équilibrée par un principe de limitation du pouvoir qui protège les droits des minorités ? à commencer par ceux de la plus petite de ces minorités, l'individu.
C'est ainsi que la conception libérale de la démocratie repose sur la présence de limites constitutionnelles délimitant les pouvoirs du législateur et du gouvernement. Dans la démocratie libérale, la loi ne saurait se réduire à la volonté et aux caprices d'une majorité d'un jour. La loi ne peut être que le produit de procédures complexes où s'inscrit l'héritage accumulé d'une longue histoire juridique et culturelle.
Le libéralisme est donc une approche des relations humaines et politiques fondées sur la priorité de l'ordre juridique.
Il existe deux méthodes pour assurer l'ordre social : la première consiste à donner des ordres, à en user et à en abuser, en étendant indéfiniment le pouvoir des contraintes de l'Etat. La seconde cherche non pas à commander les hommes au moyen d'une autorité dite supérieure, mais à établir les droits et les obligations réciproques des individus. C'est la méthode juridique, la méthode libérale.
Bien souvent au lieu de réclamer "moins d'Etat", nous devrions en fait demander "plus de droit". Telle est la vraie démarche libérale.

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Un libéralisme économique

Le libéralisme économique est bien évidemment indissociable des deux caractéristiques précédentes. C'est l'ordre juridique d'une société d'hommes libres, citoyens d'un Etat soumis au droit ? l'Etat de droit ?, qui est la source de la croissance et de la prospérité économique.
L'essor des disciplines macro-économiques nous a habitué à raisonner en termes de "demande", de "capital", "d'investissement", de "productivité"... Mais à manier les équations de plus en plus complexes, nous en sommes arrivés à perdre de vue l'essentiel : à savoir qu' "il n'y a de richesse que d'hommes".
Pour le libéral que je suis, la croissance, l'emploi n'ont en définitive d'autre origine que l'homme, sa liberté et sa créativité. Ce n'est pas dans l'étude de la macro-économie que se trouve le secret de la prospérité économique, mais dans les institutions et la manière dont elles stimulent sa créativité en faisant appel à sa liberté et à son sens de la responsabilité.
A cet égard la référence du libéralisme au "laissez faire" est la source d'immenses malentendus. Ce n'est pas le libéralisme en soi, mais la trahison des grands principes de droit par des Etats qui ne conservent plus que les apparences de l'ordre libéral qui est la cause des grands déréglements économiques et sociaux.
Historiquement, le "laissez faire, laissez passer" constituait une réaction contre le colbertisme, son dirigisme étouffant, et ses privilèges sclérosants. C'était, prioritairement, un revendication de responsabilité. "Laissez faire, laissez passer", c'était une façon de permettre l'ascension des individus, la liberté d'épanouissement des originalités personnelles.
C'est ainsi une erreur que de laisser croire que la pensée libérale réduit l'homme au rôle de simple agent économique dont la seule fonction serait de produire, de consommer ou d'investir. Pour un libéral, l'économie est d'abord et avant tout faite d'hommes et de femmes plus ou moins incités à faire preuve d'initiative, à entreprendre, à innover, à travailler, à faire preuve de responsabilité dans des structures sociales qui favorisent plus ou moins le meilleur de chacun.

La dimension sociale du libéralisme

Celle-ci est encore plus mal connue. L'étiquette libérale a trop servi dans le passé à couvrir des marchandises frelatées et diverses formes de conservatisme qui n'avaient rien à voir avec le libéralisme.
C'est ainsi que le libéralisme est trop souvent identifié à une absence de générosité sociale, une loi de la jungle où le fort triompherait aisément des faibles. Ce n'est pas exact.
Certes, pour les libéraux, la confiance dans les libertés économiques est le plus sûr moyen pour conduire à la prospérité. Mais les libéraux sont les premiers à reconnaître que s'il y a dans l'homme un besoin de liberté, il y existe aussi bien entendu un besoin de sécurité.
Cette vérité d'évidence, vous la retrouverez très clairement exprimée chez les libéraux français du 19ème siécle. Chez Frédéric Bastiat par exemple, qui a consacré de très belles pages à montrer que le besoin de sécurité est fondamental dans l'âme humaine, et qu'il faut travailler à donner aux hommes les moyens d'assurer leur sécurité car cela ne se fait pas tout seul.
C'est pourquoi les libéraux du 19ème siècle furent les initiateurs de nombreuses institutions de protection sociale sous forme d'assurances ou de sociétés de secours mutuels ; institutions destinées à prévenir la maladie, le chômage, ou la vieillesse, à permettre aux ouvriers de se créer un patrimoine au travers de caisses d'épargne. C'est un libéral, l'économiste Gustave de Molinari, qui, joignant l'acte à la parole, tenta par exemple le premier en France de créer des "Bourses du travail". Bien des expériences et réalisations qui ont marqué l'évolution de notre société et de son environnement social à la fin du 19ème siècle, furent en fait le produit d'initiatives libérales.
La grande différence avec la pensée sociale contemporaine est que les libéraux mettent l'accent sur le rôle prioritaire des associations et du monde associatif. La pensée libérale est une pensée d' équilibre, une pensée qui considère que si l'on veut éviter l'oppression des faibles par les forts il existe une autre voie que le recours à la loi ou à l'Etat : la libre association. Le libéral est quelqu'un qui, à une intervention de l'Etat préfère, chaque fois que cela est possible, une intervention des intéressés eux mêmes, spontanément associés.
C'est ainsi, là encore, qu'au 19ème siècle, ce sont les libéraux qui, en France, demandaient la liberté des syndicats, syndicats libres et libre entreprise étant à leurs yeux deux formes complémentaires d'un même ordre social. Pour autant toutefois que ces syndicats respectent eux-mêmes le jeu des libertés, et n'utilisent pas l'Etat pour passer d'un ordre de contrats volontaires à un nouvel ordre d'essence réglementaire construit sur une pyramide d'alibis quasi-contractuels.

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La pensée du 21ème siècle

Pour terminer, je voudrais montrer que ces idées, bien qu'elles soient illustrées par la pensée de gens d'hier, sont en réalité plus actuelles que jamais.
A la veille de notre entrée dans le 21ème siècle, nous sommes en effet confrontés à un formidable changement. Après la révolution agricole, puis la révolution industrielle, voici que se profile la troisème grande vague de changement dans l'histoire de l'Humanité.
La mondialisation de l'économie, la réduction des distances et l'accélération du temps, la révolution des technologies de l'information et de la communication annoncent une nouvelle civilisation. A la civilisation de l'usine va succéder celle du savoir.
Nous vivons la révolution d'une économie globale où capitaux et informations ne connaissent plus de frontières. Une économie où ce ne sont plus seulement les matières premières ou les sources d'énergie qui comptent, mais, de plus en plus, le savoir, le travail, l'organisation. Nous entrons dans un monde où, plus que jamais, ce qui va compter, ce sont les talents, les capacités d'imagination et de créativité des hommes.
Ainsi esquissé, ce 21ème siècle, porte en lui une formidable promesse. Le 20ème siècle a été le siècle des Etats avec ses deux guerres mondiales, puis celui de l'Etat-providence et du pouvoir montant des bureaucraties. Depuis le grand évènement que fut la chute du mur de Berlin, le 21ème siècle apporte au contraire avec lui la promesse d'un monde qui fera davantage confiance à l'homme, d'un monde qui remet l'homme au coeur de la société.
Les nouveaux horizons de la science apportent non seulement de nouvelles chances de prospérité, d'emplois et de croissance, mais encore une croissance d'un type nouveau : une croissance plus soucieuse de l'homme et de son environnement, lui offrant de nouvelles possibilités d'être et d'apprendre. Une croissance créatrice de nouveaux produits, de nouveaux services, donc de nouveaux métiers, et porteuse d'une culture plus accessible.
Simultanément, cette plus grande ouverture au monde suscite un besoin de proximité, la nécessité de repères sécurisants et d'espaces à taille humaine, et la possibilité de s'épanouir au sein de multiples communautés ? dont la plus naturelle reste la famille ?, d'associations volontaires, de solidarités professionnelles et culturelles.
Ce 21ème siècle sera un siècle de citoyens plus libres et plus responsables, plus autonomes mais aussi plus solidaires au sein d'une société de plus grande harmonie; un siècle donnant davantage de place à une société civile infiniment plus riche.
Bien évidemment, je ne dis pas que cette mutation ira sans problème. J'en déduis néammoins que ce siècle sera marqué par un grand choix libéral, par le retour en force de systèmes de valeurs et de cohésion sociétale beaucoup plus proches des valeurs libérales auxquelles j'adhère que cela n'a jamais été le cas depuis bien longtemps.
Voilà pourquoi il est si important aujourd'hui de renouer avec les racines historiques et intellectuelles du libéralisme, et notamment du libéralisme français, sans doute le plus riche de tous. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de lancer ces premières université populaires libérales, pour mieux faire connaître les sources et les fondements de la pensée libérale, et montrer leur grande modernité.

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mardi 22 janvier 2008

Le débat libéral en France et ses faiblesses !

Plus de deux siècles après Montesquieu, le libéralisme français est enfin parvenu à une inexistence politique à peu près totale. Peut-être les libéraux français auraient-ils un peu intérêt à se demander comment ce brillant résultat a été atteint et s’il existe un moyen d’inverser ce processus. Voici quelques suggestions.

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Le discours libéral français actuel souffre de l’angle essentiellement défensif sous lequel il s’exprime. Sans doute parce que le poids de l’Etat s’est accru de façon à peu près continue depuis le première guerre mondiale, les libéraux ont pris l’habitude de pointer un par un les cas d’intervention excessive et contre-productive de l’Etat en France. Afin de renforcer leur discours, ils utilisent des exemples a contrario de neutralité de l’Etat donnant de bons résultats, mais ces exemples doivent de plus en plus être cherchés à l’étranger.

Par ailleurs, les libéraux connaissent par coeur le propos de Bastiat sur ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas et sont parfaitement conscients de ce qu’il s’agit d’un handicap difficile à surmonter, puisque ce qu’on voit, ce sont les avantages de l’étatisme, et ce qu’on ne voit pas, ce sont les avantages du libéralisme. C’est d’ailleurs pour cela que les libéraux reprennent si souvent le discours de Bastiat : parce qu’il décrit le handicap dont ils souffrent et montre en quoi ce handicap est injuste. Mais même en en démontrant l’injustice, il est toujours là.

En fin de compte, le discours libéral français consiste le plus souvent à montrer, secteur par secteur, en quoi le libéralisme est plus efficace que l’étatisme. Les libéraux cherchent par conséquent à passer pour des pragmatiques ne se sentant tenus par aucun dogme et prêts, le cas échéant, puisqu’ils sont pragmatiques et uniquement soucieux des résultats, à adopter des positions qui peuvent paraître un peu étranges de la part de libéraux. C’est ainsi que des gens comme Sorman, Rioufol ou Michaux sont capables de défendre les politiques de discrimination “positive” qui pourraient pourtant sembler, et qui en fait sont absolument, contraires à tout ce que le libéralisme représente. Le libéralisme, répondront probablement les intéressés, n’est pas une idéologie, et nous sommes des pragmatiques prêts à défendre ce qui marche plutôt que ce qui paraît conforme à notre doctrine. Soit, mais pourquoi dans ce cas se dire libéral ?

Conséquence plus générale de cet état de choses, le discours libéral se concentre généralement sur l’économie, domaine tenu pour distinct de tous les autres et dans lequel certaines choses peuvent être mesurées avec une certaine précision. L’économie se prête à la modélisation plus ou moins mathématique, donc les libéraux y trouvent matière à démontrer de façon assez objective, la justesse de leurs idées. Les controverses existent mais les libéraux peuvent néanmoins, dans ce domaine, défendre leur point de vue sans se référer à de quelconques fondements philosophiques. Le libéralisme économique mérite d’être défendu, disent-ils, parce qu’il marche.

Cette attention particulière portée aux résultats pratiques et à l’examen au cas par cas des domaines de l’action publique est cependant, pour les libéraux, une solution de facilité.

Le libéralisme repose d’abord sur une certaine vision de l’humanité, selon laquelle la liberté est un bien précieux pour des raisons tout à fait distinctes de l’efficacité économique. Même si la liberté n’était pas la meilleure des politiques économiques, elle mériterait sans doute d’être défendue pour un certain nombre de raisons qui ne seront pas détaillées ici mais dont les libéraux devraient se souvenir.

L’économie n’est qu’un domaine de l’activité humaine parmi d’autres, et il est même loin d’être certain qu’on puisse l’isoler comme on le fait généralement. La plupart des gens font huit heures par jour et cinq jours par semaine “de l’économie”. Ils travaillent et gagnent leur vie. Jouir de la liberté pendant cet intervalle n’a pas que des conséquences économiques. En réalité, l’idée libérale s’applique à l’économie comme aux autres domaines, avec les mêmes avantages et les mêmes inconvénients. L’économie se prête simplement mieux à des modélisation appuyées sur des outils mathématiques d’une part, à des observations quantifiées d’autre part, ce qui permet aux libéraux d’espérer imposer leur point de vue par la logique. C’est d’ailleurs en partie ce qui se passe.

Mais ce qui est vrai en économie l’est également, et de façon très logique, dans les autres domaines de l’activité humaine. L’idée que la satisfaction des désirs et des besoins individuels n’est pas contradictoire avec celle des besoins collectifs est vraie ou fausse mais n’a aucune raison de se limiter aux activités visant à la création de richesses matérielles. Si la concurrence entre producteurs et marchands apporte des bénéfices au consommateurs, pourquoi ne serait-il pas également vrai que la concurrence entre les idées apporte des bénéfices au citoyen ?

Enfin, le point le plus important parmi ceux que les libéraux ont malheureusement oubliés est le fait que le libéralisme est avant tout une théorie de l’Etat. Les libéraux français se contentent généralement d’énumérer ce que l’Etat ne doit pas faire, et ils le font souvent très bien. Des gens comme Revel ou Manière, ou plus récemment Laine, ont ces dernières années plaidé de façon très convaincante en faveur du désengagement de l’Etat, mais expliquer où l’Etat ne doit pas être est insuffisant. Il faut aussi expliquer où il doit être, et les deux réflexions sont non seulement aussi importantes l’une que l’autre, mais surtout complètement indissociables. Le désengagement de l’Etat ne doit pas être une sorte de route sans fin comme l’est la progressivité de l’impôt à gauche : apparemment, l’impôt n’est jamais suffisamment progressif et on ne peut jamais trop redistribuer les revenus. Telle est l’impression donnée par le discours de gauche sur la redistribution. Le discours libéral sur le désengagement de l’Etat ne doit pas en être une image inversée. L’Etat n’a besoin de se désengager que parce qu’il est, aujourd’hui, trop engagé. Il pourrait très bien ne pas l’être suffisamment, ce qui est d’ailleurs le cas dans un certain nombre de domaines.

Le désengagement de l’Etat repose sur l’idée que l’Etat fait certaines choses mieux que d’autres, et surtout fait certaines choses plus légitimement que d’autres. En gros, si l’on dit que la mission de l’Etat consiste à assurer la sécurité des biens et des personnes, son désengagement d’autres domaines d’activité doit avoir lieu dans la perspective d’une rationnalisation des ses missions en faveur de ses tâches fondamentales. C’est là que se trouve la réponse des libéraux aux objections selon lesquelles ils veulent faire disparaître l’Etat et laisser le désordre s’installer. La question n’est pas la “quantité” d’Etat mais ce que l’Etat doit faire et ne pas faire.

Or, l’Etat remplit au moins une fonction particulièrement importante du point de vue d’un libéral : la défense de la liberté. Celle-ci peut être indirrecte, au sens où l’Etat, en assurant la sécurité, protège les individus des menaces autres qu’étatiques contre leur liberté ; ou plus directe dans la mesure où une constitution bien faite limite les pouvoirs de l’Etat, et où l’équilibre des pouvoirs, un principe d’une incroyable complexité quand on veut qu’il s’applique correctement, doit conduire l’Etat à se restreindre lui-même. Rares sont les endroits où ce principe est correctement compris et mis en pratique, et la France n’en fait pas partie. Les libéraux devraient logiquement chercher à faire en sorte que “par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir”. Tel devrait être leur premier objectif, et telle n’est pas leur activité principale. Laisser dire, comme les politiciens le font régulièrement, que ces questions n’intéressent pas les Français et que ces derniers veulent avant tout voir leur niveau de vie augmenter, c’est manquer une occasion de replacer le libéralisme au centre même du débat politique français, et c’est aussi accepter que soit tenu un discours méprisant, à la limite de l’insulte, vis-à-vis des Français.

Le libéralisme s’appuie sur une vision à la fois optimiste et pessimiste de l’être humain. Optimiste parce que l’individu est considéré comme capable de bien faire quand on le laisse faire, pessimsite parce que les individus sont considérés comme susceptible d’essayer d’imposer leur volonté les uns aux autres. Le libéralisme n’est abslument pas une doctrine proclamant l’inutilité de toute contrainte étatique, c’est un ensemble de principes visant à fixer des limites aussi peu contraignantes que possible à la liberté.

On peut supposer que la raison principale pour laquelle le libéralisme est impopulaire en France et dans d’autres pays est que les gens se méfient les uns des autres. C’est ce qui est dit de façon très claire dans le domaine économique et social : si on laisse les patrons faire ce qu’ils veulent, dit-on, ils exploiteront les travaileurs. Le même argument est employé dans d’autres domaines, comme la possession d’armes à feu par les individus.

Les libéraux devraient prendre au sérieux ces arguments. Cela ne sert à rien de soutenir que les individus sont plus responsables qu’ils ne le sont. Mettre l’individu et la liberté individuelle au centre d’une doctrine politique est parfaitement légitime et justifié, mais la liberté individuelle suppose un certain sens des responsabilité qui est ou n’est pas acquis, et s’il ne l’est pas, alors il faut faire en sorte qu’il le soit. Ce devrait être l’un des objectifs du libéralisme, et c’est l’une de ses difficultés. Si c’est l’Etat qui doit préparer les individus à être de plus en plus libres, cela signifie que l’on confie à l’Etat la mission d’assurer son propre rétrécissement, et rares sont les bureaucraties qui remplissent avec zèle ce type de missions. C’est un problème complexe, mais c’est le problème des libéraux. Ce sont eux qui veulent faire reculer l’Etat, et seul l’Etat peut faire reculer l’Etat. La tâche est loin d’être aisée et le politicien qui saura la mettre en oeuvre sera très habile. Cet apparent paradoxe ne fait pas du libéralisme une utopie, et les libéraux devraient également se demander pour quelle raison un tel contresens est aussi fréquent. L’une des raisons peut être justement le fait que le libéralisme fait partie des doctrines qui deviendraient efficaces si une majorité suffisamment importante des citoyens l’approuvaient, ce que l’on aurait aussi bien pu dire, pourrait-on entendre, du communisme. Ergo, le libéralisme est un nouveau totalitarisme, une “perversion de l’esprit humain” et une utopie dangereuse. C’est aux libéraux de trouver la réponse appropriée à cet argumentaire étonamment agressif mais entendu régulièrement, et la réponse pourrait être que le libéralisme ne vise qu’à l’exercice de la liberté individuelle et qu’il ne peut pas, par conséquent, devenir une tyrannie puisqu’il cesserait instantanément d’être ce qu’il est. On ne pouvait pas en dire autant du communisme, dont le caractère tyrannique ne contredisait pas fondamentalement les objectifs. On peut supposer que l’évolution vers le libéralisme occidental du XIXe siècle s’est inscrite dans l’émergence de l’Etat moderne, conçu avant tout comme un instrument de protection des individus à la fois contre les périls extérieurs et contre eux-mêmes. L’évolution ultérieure de l’Etat est peut-être le produit de la Première guerre mondiale, c’est-à-dire d’un retour en force de ces dangers ayant entraîné la construction d’économies de guerre qui auront évolué en temps de paix vers les économies administrées encore très présentes en France. Peut-être les longues périodes de paix sont-elles propices à un recul relativement spontané de l’Etat. Peut-être les tensions internes à la société françaises sont-elles plus fortes qu’on ne le croit habituellement. Tout cela est possible et mérite d’être examiné et discuté, car c’est en définissant les finalités de l’Etat que l’on peut fixer ses limites, et c’est en réfléchissant aux limites de la doctrine libérale qu’on peut la rendre effectivement applicable.

D’une certaine manière, l’instauration du libéralisme présente des points communs avec les processus de paix dans les pays en guerre civile. Il faut essayer avec beaucoup de patience de faire en sorte que les gens se méfient de moins en moins les uns des autres. Il est sans doute nécessaire de forcer la marche des choses à certains moments, et la grande bataille contre les syndicats à laquelle les libéraux s’attendent plus ou moins aura peut-être lieu, mais le plus important est sans doute de démêler l’ensemble assez complexe de tensions et de méfiance mutuelle qui existe dans la société française. C’est une tâche complexe et très difficile, mais quel intérêt y a-t-il à ne pas admettre l’existence de difficultés ? Si le discours libéral se contente de montrer en quoi le libéralisme est le meilleur des systèmes imaginables en s’appuyant sur des exemples économiques, plutôt que d’essayer de comprendre pourquoi pratiquement personne n’a l’air convaincu, les choses ne sont pas près d’avancer.
Say no more

samedi 19 janvier 2008

Comité MONTESQUIEU, une renaissance !! Un esprit....libre

Je profite de l’anniversaire de la naissance de Montesquieu (18 janvier 1689), afin de vous annoncer, officiellement la création sur Bordeaux et sa Région du comité du même nom : « Comité Montesquieu – Alternative Libérale »

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Lors de notre rassemblement du 14 de ce mois, les membres aéliens présents, et à jour de la cotisation 2008, ont pu élire leur président.

La secrétaire de séance nommée ( Pascale de ROMEMONT, élue liste Europe au CNAL) a pu établir le procès-verbal et l’entériner. Le président est élu pour deux années, est élu :

Alain GENESTINE
51 ans, marié, 2 enfants
Chef d’entreprise
Artiste peintre essayiste
Chez Alternative-Libérale : Membre du comité d’orientation ; Candidat à la députation 2007.

Le dossier constitué, un courrier a été envoyé au siège d’Alternative-Libérale, bld Flandrin à
Paris XVI fin de semaine 3.


D’autre part, et à la demande des adhérents, un blog a été crée, son nom : Alternative Libérale – Comité MONTESQUIEU. Le blog du comité Alternative Libérale Bordelais.
Il vient tout juste d’être établi et enrichi par Mathieu MICHAUD, secrètaire chargé des affaires Presses Médias Vidéos Conférences. Mathieu sera accompagné pour cette tâche de Marc LASSORT-DESTIEU.
Ce blog est déjà en service, vous pouvez le trouver, outre les liens de ces propres administrateurs, à l’adresse suivante :

http://albordeaux.blogspot.com/

Bien entendu, il est demandé à tous de faire vivre ce site-blog, nécessaire pour Alternative-Libérale et sa blogosphère(une demande a été effectuée pour liens), ainsi que pour Bordeaux et sa région, voire au-delà, afin de pouvoir laisser une place à tous les libéraux voulant s’exprimer librement, aussi à tous ceux qui par leur commentaire, donneront leur avis tranché sur les différents thèmes qui pourront être abordés sur ce support.
Alors futurs adhérents, sympathisants…..un nouvel univers s’est crée, une aide à la décision, une liberté, votre Liberté retrouvé. Osez la Liberté, elle est vôtre !!

D’autres sujets ont été abordés lors de cette réunion, un compte-rendu sera effectué et en charge par notre secrétaire. Ces CR ne seront en aucun cas sur le site et blogs du comité Montesquieu, ils seront réservés et archivés au sein de notre intranet, par discrétion. Il va sans dire que notre blabla organisationnel ne polluera pas nos supports externes. Cependant nous resterons vigilant à toute transparence possible auprès de nos sympathisants par respect ainsi que le nôtre, pour se faire à l’écoute des demandes et préoccupations, ainsi qu’à leurs avis et critiques.

Date de la prochaine réunion pour les adhérents : 18 février 2008 à 18h30’ lieu privé
Si certaines personnes veulent participer à nos réunions, merci d’appeler le 06 80 22 45 07
Faisons ensemble Bordelaises et Bordelais la liberté, la Liberté fera le reste.
Alain GENESTINE, pour le bureau

Voilà comment un prof enseigne l'économie libérale dans nos universités sur Bordeaux. A vos commentaires libéraux !!

L’argent toujours

Dette publique :le libéralisme en faillite

Par Jean-Marie Harribey, économiste à l’université Bordeaux-IV

Je rajoute, à priori membre d'ATTAC, belle neutralité !

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par Jean-Marie Harribey

Université Montesquieu-Bordeaux IV



Il y quelques temps déjà Journarles organisait une projection-débat sur le thème de l’argent. Le débat se prolonge aujourd’hui dans l’actualité autour de la dette publique qui menacerait notre pays de faillite. Un discours démonté point par point par un excellent argumentaire de Jean-Marie Harribey dans l’humanité...

Un débat chasse l’autre, mais les mêmes errements reviennent pour mêler la question de la dette publique à celle des retraites. Le ministre de l’Économie, Thierry Breton, affirme que la dette des administrations publiques n’est pas de 1 100 milliards d’euros mais de 2 000 milliards, car il faut y ajouter les engagements de l’État à l’égard des fonctionnaires et des agents des entreprises publiques actuellement en activité lorsqu’ils feront valoir leurs droits à la retraite.

Le rapport de Michel Pébereau, même s’il est plus discret sur le bien-fondé de cette addition, fait état du même problème et estime entre 790 et 1 000 milliards ces engagements supplémentaires. Certains vont encore plus loin : Pascal Gobry, membre de l’Institut des actuaires, affirme que « la France est en faillite », car cette dette est de « 3 000 milliards au bas mot ». Il écrit (le Monde, 16 décembre) : « L’estimation des engagements en matière de retraites doit répondre à la question : et si tout s’arrêtait à la seconde, si on ne recrutait plus, si les gens en activité exigeaient soudain leurs droits à retraite, et si on payait toutes leurs retraites aux déjà retraités, jusqu’à leur décès ? Combien cela coûterait-il ? » On peut répondre tranquillement : zéro. Parce que la question est absurde. Si tout s’arrêtait, si plus aucun travailleur ne travaillait, rien ne serait produit, aucun revenu ne serait engendré et il n’y aurait rien à distribuer, ni en salaires, ni en retraites, ni en profits. Pour montrer l’étendue de la « faillite de l’État », l’auteur poursuit : « Même s’il vendait à des Japonais le château de Versailles au prix fort, la tour Eiffel, le musée du Louvre, tout son patrimoine, l’État français ne pourrait honorer ses engagements sur les retraites et les salaires. » Ainsi se perpétue l’erreur consistant à croire que les revenus sont versés en prélevant sur un stock, alors qu’ils sont un flux engendré par l’activité productive courante. Ainsi refait surface la conception qui a inspiré les réformes Balladur de 1993 et Fillon de 2003 : transformer le système des retraites par répartition fondé sur la mutualisation d’une part de la richesse produite en un système d’épargne individuelle, tout en laissant croire qu’individus et État mettent des sous dans un bas de laine pour les exhumer au moment voulu. Les engagements envers les salariés du public, comme ceux du privé - ce que le ministre s’est bien gardé de dire -, sont gagés sur le flux de la production future et non pas sur un stock accumulé, ni sur le flux présent, ni a fortiori sur le mirage de fonds de pension stériles. Et le respect de ces engagements dépendra de l’évolution de la production et surtout de sa répartition entre masse salariale et profits.

Cette erreur est à la racine de l’imbroglio théorique et de la mystification politique entourant hier la question des retraites et aujourd’hui celle de la dette que le ministre veut amalgamer. On ne peut ajouter la dette financière de l’État et les engagements de la collectivité à verser des retraites. L’État ne verse aucun intérêt sur les sommes correspondant à ces engagements. Et si, un jour, il devait en payer, ce serait parce qu’il refuserait d’augmenter les cotisations vieillesse pour ne pas contrarier les actionnaires et s’obligerait alors à se tourner vers les marchés financiers sur lesquels des fonds de placement s’empresseraient d’acheter les obligations d’État.

La vraie dette, c’est celle qu’il faudra rembourser, sauf dénonciation, celle qui absorbe aujourd’hui sous forme d’intérêts (40 milliards d’euros annuels) la totalité de l’impôt sur le revenu. Est-elle trop élevée, croît-elle trop vite par rapport au PIB, puisqu’elle atteint l’équivalent de 66 % de celui-ci ? Est-elle le « fardeau légué aux générations futures » si souvent dénoncé ? Par définition, une créance de même montant est transmise simultanément à une dette. Si, comme tout le laisse à penser, les classes aisées achètent les obligations d’État, leurs descendants en hériteront. Où est le problème ? Il naît lorsque la structure de la fiscalité est telle que ce sont les classes pauvres qui paient et paieront l’impôt dans une proportion inverse à ce que commanderait la justice, parce que l’impôt indirect non progressif est prédominant par rapport à l’impôt direct progressif. Le « fardeau » de la dette publique n’est pénalisant qu’en raison d’une fiscalité redistributive à l’envers et non pas à cause du montant de la dette. Et cela d’autant plus que les nouveaux emprunts des collectivités publiques ont pour but non de réaliser des investissements d’avenir (éducation, recherche, écologie, etc.), mais de couvrir un service de la dette antérieure de plus en plus lourd, pendant qu’on allège constamment la fiscalité sur les riches. Jacques Marseille a beau affirmer (le Monde, 13 décembre) que « la lutte des classes n’est pas entre les bourgeois et les prolétaires, elle est entre les créanciers et les débiteurs », tout montre que les bourgeois sont les créanciers et qu’échoit aux prolétaires la tâche d’endosser la dette publique, laquelle n’est jamais qu’une créance privée.


L’interdiction faite à la Banque centrale européenne de créer de la monnaie pour financer les dépenses collectives (qui était consacrée par l’article III-181-1 de l’ex-projet de traité constitutionnel) est cohérente avec une politique qui s’obstine à nourrir la rente financière aux dépens des emplois utiles et laisse monter le chômage dont sont victimes ou menacés ceux qui devront prendre en charge la dette grossie au fil des ans à cause de la baisse des impôts et de l’écart positif entre les taux d’intérêt et le taux de croissance économique. Politique cohérente aussi avec la libre circulation des capitaux, qui permet à des résidents de posséder autant d’avoirs extérieurs que les non-résidents en possèdent en France, phénomène interdisant d’invoquer une dépendance vis-à-vis de l’étranger.

La France n’est donc pas en faillite, quoi qu’en disent les Cassandre du déclin ; l’État non plus, car le solde primaire (hors intérêts) de son budget est proche de l’équilibre. En revanche, le libéralisme est en faillite : en tant que doctrine qui n’a aucune portée heuristique, et en tant que projet normatif pour une société dont il programme le délitement. Face à cela, et en réponse à l’augmentation de la dette, il faudra une double révolution : fiscale, pour récupérer les intérêts, et monétaire, pour maîtriser la Banque centrale. Le principe en avait été posé par Keynes il y a soixante-dix ans : l’euthanasie des rentiers.

Par Jean-Marie Harribey, économiste à l’université Bordeaux-IV. © Journal l’Humanité

par Alain Genestine
Jeudi 12 juillet 2007

Le Chasseur, le premier protecteur de la Nature et de sa Liberté

Zones humides : Les protéger, pour se protéger

Les zones humides constituent une part importante de l'identité géographique médocaine. Les chasseurs contribuent à leur sauvegarde. Reportage à l'occasion de la Journée mondiale des zones humides.



Zones humides : Les protéger, pour se protéger
« S'occuper de ces territoires, c'est se préoccuper de notre avenir, mais aussi de notre présent. » En ouverture de la Journée mondiale des zones humides en Aquitaine – le 2 février dernier -, Jean-Pierre Thibault, directeur de la Diren (direction régionale de l'environnement), avait dit l'essentiel. Il n'est pas anodin de préciser que cette journée qui commémore la Convention de Ramsar (voir encadré) a été présentée au domaine de Pachan, siège de la Fédération des chasseurs de la Gironde. Car les zones humides constituent un terrain d'entente privilégié – même si l'équilibre est fragile - entre chasseurs, ornithologues et défenseurs de l'environnement de tout poil. Tous ont intérêt à protéger ces espaces de dangers multiples : pollution, assèchement, curage, industrialisation, urbanisation, etc.

> Lacs, étangs, lagunes, marais, mattes, prairies inondables… En Médoc, cela n'aura échappé à personne, l'eau est partout. Les eaux sont le squelette de la presqu'île. Le peuple médocain s'est construit grâce à elles, tout en luttant contre leurs forces destructrices (digues côté estuaire, travaux de lutte contre l'érosion marine côté océan). Dans cette configuration, les zones humides sont des zones tampons qui remplissent des fonctions essentielles : filtres épurateurs, « éponges » contre les inondations, alimentation des nappes phréatiques, réservoir de biodiversité pour de nombreuses espèces animales. En France,
30 % des espèces végétales menacées ou classées remarquables vivent dans les zones humides.
« La pointe de Grave, c'est 40 % d'espaces humides sur le Verdon et 700 hectares de marais maritimes ; on y trouve l'armoise maritime, disparue partout ailleurs sur le littoral français », explique Patrick Lapouyade, technicien de l'association Curuma au Verdon-sur-mer. Précisant aussi que « la diversité des animaux recensés atteste d'une bonne santé du milieu » : des insectes (flambé, azuré d'Escher), des reptiles et amphibiens (les tortues cistudes sont sous haute surveillance), les oiseaux (le tadorne est arrivé en début de semaine) et les poissons (les anguilles sont en voie de disparition).

> Les glaciers ne sont pas les seuls à fondre. Les zones humides aussi. On estime que deux tiers de ces zones ont disparu en France au siècle dernier, pour ne plus représenter que 1,5 million d'hectares soit un peu plus de 2,5 % du territoire national. Un signe inquiétant si l'on garde à l'esprit que ces territoires, outre le fait qu'ils permettent la production de ressources naturelles et le maintien d'activités traditionnelles (élevage, pêche, etc.), sont également les garants d'un cadre de vie de plus en plus recherché pour les loisirs, les activités nautiques, l'observation de la nature. En les préservant, la presqu'île fait le pari de devenir encore plus attractive, à l'échelle européenne, pour ce que l'on appelle « le tourisme vert ».
Un tourisme qui doit cohabiter intelligemment avec la seconde nature médocaine : la chasse. En partenariat avec la Fondation nationale pour la protection des habitats de la faune sauvage, la Fédération des chasseurs de la Gironde a initié depuis quelques années une politique d'acquisition des zones humides (voir tableau). Une initiative relayée localement par les ACCA, associations communales de chasse agréées (voir les deux témoignages).
Plus largement, il est acquis que les zones humides participent à la régulation des microclimats ; elles peuvent agir sur les effets des sécheresses au bénéfice de certaines activités agricoles. Une action qui n'est pas négligeable alors qu'un consensus scientifique semble s'être dégagé autour de la thèse d'un dérèglement climatique engendré par les activités irraisonnées de l'Homme.
par Alain Genestine
Mardi 17 avril 2007

Le Sud-Ouest, Bordeaux, les Girondins, fondateurs du libéralisme mondial. Libéraux de ce jour, reprenons le goût de la Liberté en mémoire de ceux, déc

UN PROJET RÉSOLUMENT MODERNE

Le libéralisme égalitaire des Jacobins

PARTISANS de l’égalité, les Jacobins ne pouvaient être que les fossoyeurs des libertés et les ancêtres des bolchéviques. Cette vision dominante de l’historiographie, depuis les travaux de François Furet, est rarement contestée ; pour elle, la liberté est naturellement inégalitaire. Pourtant, une étude plus subtile de la Révolution française montre que, pour les Girondins comme pour les Montagnards, être pauvre revenait à être privé de liberté. Ce qui, entre autres remèdes, imposait la progressivité de l’impôt. Cependant, même les Jacobins les plus intransigeants espéraient que la tempérance des riches et l’égalité morale de tous remédieraient aux inégalités sociales.

Par Jean-Pierre Gross
Historien,auteur de Saint-Just, sa politique et s es missions, Bibliothèque nationale, Paris, 1976, et de Fair Shares for All : Jacobin Egalitarianism in Practice, Cambridge University Press, Cambridge,(Grande-Bretagne), 1997.

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Affirmer l’idéal égalitaire des Jacobins va de soi. Disciples de Rousseau, ils s’appliquèrent à éradiquer les inégalités héritées de l’Ancien Régime : si 1789 consacra l’égalité devant la loi, 1793 devait inaugurer l’ère de l’égalité réelle. Mais affirmer en même temps le libéralisme des Jacobins, disciples de Montesquieu, relève du paradoxe. Liberté et égalité ne sont-elles pas a priori incompatibles ? Plus il y a de liberté, plus la concurrence tend à engendrer des inégalités et, inversement, si l’on veut pousser l’égalité, on est amené à empiéter sur les libertés en redistribuant richesses ou avantages. C’est pourquoi Montesquieu, dans son projet de société, s’est efforcé de doser ces deux ingrédients, la liberté étant à ses yeux plus désirable que l’égalité, et l’inégalité un moindre mal que le despotisme.

A ce dilemme philosophique s’ajoute la problématique historique de la Terreur. Les auteurs modernes ne nous ont-ils pas appris que celle-ci fut non seulement un régime répressif imposé par les « circonstances » et entraînant une nécessaire restriction des libertés, mais aussi une idéologie égalitaire visant la régénération morale, et l’uniformité, de la société ? Ainsi, Luc Ferry et Alain Renaut (1) condamnent le jacobinisme pour sa vision volontariste et éthique des droits de l’homme, le risque inhérent à une telle vision étant celui, « historiquement vérifiable », de la Terreur. François Furet et Mona Ozouf (2), pour leur part, estiment que le consentement à la contrainte fut dans la Convention la vraie ligne de clivage : en voulant imposer l’égalité aux riches et les « forcer à être honnêtes », Robespierre et les siens inauguraient l’ère totalitaire, le culte de la violence n’attendant plus que la « greffe bolchevique » pour devenir au XXe siècle nécessité révolutionnaire.

Certes, la complaisance des historiens de gauche a favorisé cette perception d’une inexorable continuité historique. Albert Mathiez ne voyait-il pas en Robespierre le complice de Babeuf, à un moment où ce dernier était revendiqué comme ancêtre attitré de la révolution prolétarienne ? Ecrivant en 1928, à l’époque de la « dékoulakisation » en URSS, Albert Mathiez présentait la politique agraire des Jacobins français de l’an II comme une vaste tentative d’expropriation d’une classe au profit d’une autre. Bien que cette interprétation ait été sensiblement modifiée par ses successeurs, il n’en reste pas moins qu’à travers le prisme marxiste l’expérience jacobine apparaît encore comme une préfiguration des luttes idéologiques des temps modernes.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a8/Condorcet.jpghttp://genealogie-deruy.ifrance.com/images/robespierre.jpg

De telles assimilations et les réserves qu’elles suscitent donnent à réfléchir. Elles révèlent une profonde méprise quant à la nature de l’égalitarisme jacobin, né de l’individualisme de 1789 et de la logique des droits de l’homme. La Déclaration des droits de 1793, rédigée conjointement par Girondins et Montagnards (essentiellement par Condorcet et par Robespierre), proclame les droits naturels que sont « l’égalité, la liberté, la sûreté, la propriété ».

Ces droits sont issus des thèses de John Locke, http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/b/b8/John_Locke.jpg/250px-John_Locke.jpgpère du libéralisme moderne, qui définissait le droit de propriété comme englobant « la vie, la liberté, les biens », y compris la faculté d’accumuler les richesses et d’en jouir ; mais qui affirmait aussi l’égalité naturelle et le « droit égal à la liberté », impliquant, selon le principe de réciprocité, le devoir de respecter le droit de l’autre à la liberté. Comme le note Amartya Sen, théoricien de l’utilitarisme anglo-américain, l’égalité est non seulement une caractéristique essentielle des conceptions libérales d’organisation sociale (liberté égale pour tous, considération égale pour tous), mais l’opposition entre liberté et égalité est factice et inexacte, la liberté étant parmi les champs d’application possibles de l’égalité et l’égalité parmi les schémas de distribution possibles de la liberté.

Ni laisser-faire ni dirigisme

SI la Déclaration des droits de 1793, à l’inverse de celle de 1789, fait précéder la liberté par l’égalité, c’est qu’un obstacle économique s’oppose à la réalisation des droits réciproques, celui de la pauvreté ; et qu’un seuil est postulé à partir duquel l’égalité revêt un sens, celui du minimum vital. Dans la mesure où être pauvre consiste non seulement à manquer de pain, mais surtout, comme le voudrait Amartya Sen, à « être privé de liberté », le bien-être équivaut à la faculté d’en jouir. Or, la Déclaration de 1793, à son article premier, qui décrit le but de la société comme étant le « bonheur commun », soutient que le gouvernement est institué pour « garantir à l’homme la jouissance » de ses droits. C’est le préalable social, qui doit permettre aux plus démunis de franchir le seuil opérant des droits de l’homme et d’accéder, dans le langage de Robespierre, à la « pauvreté honorable ».

La déclaration jacobine, affichée dans les lieux publics pendant toute la durée de la Terreur, ne vise assurément ni le nivellement absolu ni la communauté des biens. Elle s’inscrit dans le contexte d’une économie de marché précapitaliste fondée sur la propriété privée, et cherche à concilier liberté et égalité grâce au ciment de la fraternité : Robespierre n’est-il pas le premier, dès 1790, à demander que ces trois mots figurent ensemble sur les drapeaux des gardes nationales ? Projet de société qui se réclame d’une « famille de frères », où chacun trouve sa place, l’assurance d’être nourri, vêtu et logé, voire d’obtenir son lopin à cultiver, et où chacun est appelé à apporter, selon ses forces et ses capacités, une contribution par définition inégale au bien commun. Projet de justice distributive, qui favorise l’équité plutôt que la stricte égalité. Car l’équité ne conseille ni l’accaparement ni la privation, mais le partage - les inégalités qui subsistent ne lésant personne et, conformément aux deux principes de justice proposés par le philosophe américain John Rawls, contribuant à terme au « bonheur commun » (3).

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Un tel idéal, qui laisse rêveur en cette fin du XXe siècle, a connu une longue gestation à l’époque des Lumières, mais ses origines restent en partie voilées. D’une part se développe en France un égalitarisme à l’antique qui condamne le luxe dans la lignée des Vies de Plutarque et du Télémaque de Fénelon, et qui sera exploité par Montesquieu, Rousseau et Mably. Mais parallèlement, à la suite de Locke, les économistes français préclassiques de la première moitié du XVIIIe siècle élaborent à leur manière un projet humaniste libéral de cohésion sociale fondé sur l’égalité naturelle. Au développement de ce libéralisme égalitaire spécifiquement français, qui s’oppose tant au mercantilisme qu’à la tendance libérale classique débouchant sur le capitalisme, participent des esprits de marque, tels Boisguilbert, John Law, Melon, Vincent de Gournay et Véron de Forbonnais.

Quels en sont les traits saillants ? Affirmation du droit égal à la liberté et à la propriété ; rôle central attribué à la chaîne solidaire des besoins réciproques et des échanges marchands ; valorisation de la classe des petits producteurs (paysans, artisans, ouvriers compagnons) et de leur contribution à la prospérité générale ; rôle significatif dévolu à l’Etat « tuteur de la grande famille », qui veille à l’équilibre de la répartition et à l’harmonie sociale. La « société bien policée » voulue par ces libéraux est à égale distance du laisser-faire débridé et du dirigisme : modérément interventionniste, elle annonce plutôt une économie gérée de modèle « keynésien » !

Mais à celle-ci s’oppose à partir de 1758 le grand mouvement physiocratique en plein essor, qui privilégie l’enrichissement centré sur le capitalisme agraire, la libre concurrence, l’élimination du corporatisme, une fiscalité simplifiée. Dans l’histoire économique, l’engouement pour la thèse des physiocrates, relayée et partiellement appliquée par Turgot,L'image “http://cepa.newschool.edu/het/profiles/image/turgot.gif” ne peut être affichée car elle contient des erreurs. aura pour effet d’éclipser celle des libéraux égalitaires. Ces derniers font pourtant valoir qu’économie et morale ne sont pas antagonistes si l’on conçoit la richesse non pas comme paramètre quantitatif à maximiser, mais comme le fruit de l’équilibre économique et social. C’est ainsi que le chevalier de Jaucourt et le receveur général Graslin militent en faveur de l’impôt progressif comme instrument de justice fiscale, et que Necker s’oppose à Turgot en 1775 dans la querelle sur la liberté du commerce des grains : Necker interventionniste, défenseur des petits consommateurs et apôtre de l’ « harmonie générale », précurseur à sa manière des Jacobins !

Ceux-ci reprennent à leur compte les préoccupations économiques des Lumières. Entre Girondins et Montagnards, le fossé est moins profond qu’on l’a dit : par exemple, les uns et les autres sont favorables à l’impôt progressif sur le revenu. Mais, lors du grand débat de l’automne 1792 sur la libre circulation des grains, c’est l’affrontement. Face à Vergniaud et à Creuzé- Latouche, qui préconisent la « liberté illimitée », Robespierre vient défendre le « droit à l’existence ». Faisant écho à Rousseau, qui affirmait que dans l’état de nature « les fruits sont à tous, et la terre n’est à personne », Robespierre souligne que la propriété ne peut jamais être en opposition avec la subsistance des hommes, celle-ci étant un droit « aussi sacré que la vie elle-même ». C’est affirmer, face à l’économie de marché, la thèse de l’ « économie morale ». Thèse défendue aussi par le jeune Saint-Just, qui a du mal à concilier les théories d’Adam Smith,http://www.library.hbs.edu/hc/collections/kress/kress_img/adam_smith2.jpg selon lequel le libre jeu de l’intérêt serait le principal critère de l’action économique, avec le triste constat que « les hommes durs, qui ne vivent que pour eux », portent gravement atteinte à l’ « harmonie sociale ». Prise de position significative de la part de libéraux qui refusent de confondre intérêt personnel et égoïsme.

Mais, si les Jacobins s’opposent à l’accumulation immodérée des biens matériels, ce n’est pas pour revendiquer la loi agraire. Tout au long de sa carrière politique, Robespierre, champion des sans-culottes, a défendu le droit de propriété, surtout celui des petites gens, des travailleurs manuels, dont le « modique salaire » et les « petites épargnes » constituent des propriétés « d’autant plus sacrées » que « l’intérêt à la conservation de sa chose est proportionné à la modicité de sa fortune ». Ses préventions contre la montée des richesses et le grand capital ne l’empêchent pas d’affirmer une conception de la propriété identique à celles de Locke et de Smith, à une condition près : que la liberté d’appropriation ne puisse s’exercer aux dépens de ceux qui en sont dépourvus. Robespierre n’affiche-t-il pas son libéralisme, et son humanisme, en affirmant que, si tous les riches se comportaient comme les « économes de la société » et comme les « frères du pauvre », on pourrait ne reconnaître « d’autre loi que la liberté la plus illimitée » ?

photo of Professor Gough


Vaste enquête entreprise à l’université Paris-I, sous la houlette de Michel Biard, le bilan de l’action des représentants en mission dans les provinces françaises permettra à terme d’éclairer la pratique faite en l’an II de ce libéralisme jacobin de répartition. D’ores et déjà il s’avère que les députés se distinguent majoritairement non par leur intolérance, mais par leur souci d’équité. Montagnards centristes ou députés de la Plaine, parfois sympathisants de la Gironde proscrite, ils appliquent la Terreur avec mesure (Auxerrois, Marche, Limousin, Périgord, Angoumois, Agenais) et pratiquent la réconciliation, ex-nobles et fédéralistes repentis étant invités à réintégrer la famille républicaine à orientation pluraliste.

Certes la justice distributive est à l’ordre du jour, mais elle est relative : rationnement alimentaire ; réforme agraire sans expropriation, axée sur la propriété utile ; levée de taxes révolutionnaires à caractère progressif ; enseignement primaire pour garçons et filles ; formation ouvrière, vulgarisation agronomique ; ébauche de l’Etat-providence. Ce programme, mis à l’essai sur le terrain, visait à créer une démocratie de petits propriétaires et de travailleurs indépendants, où régneraient l’égalité des droits et l’égalité des chances (même au féminin !). Sans doute fut-il d’application inégale et éphémère ; mais il laissa dans la mémoire collective des contrées où il fut amorcé, tels les pays du Sud-Ouest, une résonance qui se prolongea au long du XIXe siècle.

Jean Jaurès, originaire de ce coin de France, reprochait cependant aux Jacobins d’avoir voulu faire vivre le peuple français « à bon marché ». A ses yeux, l’idéal spartiate de Robespierre excluait à la fois le communisme et la richesse, celle-ci étant tolérée en fait comme « une fâcheuse nécessité ». Jaurès repoussait cette vue pessimiste des rapports économiques : le travail toujours assuré, si seulement on est tempérant ! Il récusait la notion de « pauvreté honorable » et celle de l’égalité morale qui la sous-tend comme destinées à perpétuer l’inégalité sociale en flattant la fierté du pauvre et la complaisance du riche, le problème social étant ainsi « singulièrement allégé ». Plus perspicace que Mathiez, il flairait chez les Jacobins un sérieux manque de fibre socialiste !

Mais que visait Jean Jaurès au juste ? Face à l’essor du capitalisme, ne nourrissait-il pas le dessein (en 1896) de « changer la forme même, la nature même de la propriété » ? Or Robespierre et ses amis avaient renoncé sans équivoque à la communauté des biens, qui était à leurs yeux une « chimère » préjudiciable aux libertés individuelles : « Comme s’il était un seul homme doué de quelque industrie dont l’intérêt ne fût contrarié par ce projet extravagant. » Aussi préconisaient-ils une « révolution du pauvre, douce et paisible, révolution qui s’opère sans alarmer la propriété et sans offenser la justice ».

L’idéal jacobin, débarrassé de sa gangue, apparaît ainsi fidèle à lui-même : à la fois consécration de l’individualisme bourgeois, critiqué par Marx mais prôné par Tocqueville, et validation du préalable social, critiqué par TocquevilleL'image “http://www.memo.fr/Media/Tocqueville.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs. mais prôné par Jaurès : seul l’amalgame de ces deux conditions pouvant assurer le bonheur de la société. Depuis le bicentenaire, nombre d’historiens, de part et d’autre de l’Atlantique, commencent à remettre en cause une lecture du jacobinisme qui se plaît à y détecter une vision utopiste, une fuite en avant ou une dérive totalitariste, au détriment de ses réalisations démocratiques et égalitaires.

Ils y découvrent un projet de société fondé sur la justice et la réciprocité, une « grande famille » où le droit à l’existence est assuré au même titre que le droit à l’épanouissement, et où l’esprit de partage l’emporte sur les antagonismes de classes : projet inattendu et, à n’en pas douter, résolument moderne.

Jean-Pierre Gross.


1) Luc Ferry et Alain Renaut, Philosophie politique 3 : des droits de l’homme à l’idée républicaine, Presses universitaires de France, Paris, 1985, p. 37. (2) François Furet et Mona Ozouf, articles « Terreur » et « Egalité », Dictionnaire critique de la Révolution française, 2e édition, Flammarion, Paris, 1992.

3) John Rawls, « Justice as Fairness », Philosophical Review, New York, no 67, avril 1958, pp. 164-194 ; John Rawls, Théorie de la justice, Le Seuil, Paris, 1987 ; et Libéralisme politique, Presses universitaires de France, Paris, 1995.

par Alain Genestine
Vendredi 13 juillet 2007

Mortalité suspecte d'abeilles en Gironde

Toute la petite commune de Rions (Gironde) s'interroge depuis que, dans une maison du centre-ville, une habitante récupère chaque matin depuis un mois des centaines d'abeilles mortes dans son garage.



http://sophie-g.net/photo/nature/pct/abeilles03.jpg

Aucune explication rationnelle ne vient pour le moment éclaircir ce mystère qui vient s'ajouter aux nombreux cas de mortalité de cette population d'insectes ces derniers mois dans le Sud-Ouest.

"J'habite le petit bourg de Rions (Gironde) depuis plus de trente ans et je n'ai jamais vu une chose pareille. Mon garage, qui donne sur le village, est chaque soir depuis le 9 août envahi d'abeilles qui mettent des heures à mourir. A ce jour je les estime à 9.000. Au petit matin, elles sont toutes recroquevillées au sol, certaines agonisant encore après une nuit entière", raconte cette habitante qui souhaite garder l'anonymat.

"Ma première réaction a été d'appeler les pompiers. En général, elles meurent en l'espace de deux heures. Elles ne sont pas agressives mais plutôt fatiguées. En général, le gros des groupes meurt en l'espace de deux heures. Avec des amis, on a même essayé de les lancer en l'air pour qu'elles s'envolent, sans résultat. Elles s'écroulaient sur le sol en recrachant une sorte de pollen. Les arrivées sont sans interruption, sauf deux nuits depuis le début du mois", poursuit la propriétaire des lieux, qui insiste sur le fait que le phénomène s'est ralenti ces derniers jours sans cesser.

"J'en ai eu encore hier. J'ai mis quelques abeilles dans un sac et les ai rangées au congélateur dans l'espoir que des analyses soient faites. Les apiculteurs que j'ai contactés m'ont expliqué que si elles étaient empoisonnées, cela durerait jusqu'à la fin de la miellée."

Contacté lundi par l'Associated Press, les services vétérinaires faisaient savoir via la préfecture de la Gironde que des prélèvements seraient effectués en soirée et analysés dans les jours à venir.

De son côté, la municipalité a saisi les organismes officiels: "J'ai immédiatement prévenu les services vétérinaires et la direction départementale de l'agriculture", tenait à préciser Jean Despujols, le maire de Rions, commune de 1.500 âmes. "J'ai pris contact avec des apiculteurs de Rions qui n'ont pas constaté de mortalité anormale dans leurs ruches."

La maison où ces événements se sont produits se situe dans un périmètre protégé qui abrite des forages alimentant en eau potable plusieurs communes du canton, précise le maire, qui s'interroge sur la proximité "d'une culture récente de deux ou trois hectares de tournesol".

http://www.imaginascience.com/actualites/phpnews/images/bee.jpg

A quelques kilomètres de là, dans le secteur d'un village voisin, plusieurs hectares de maïs transgénique sont également cultivés. le maire, qui fait cette découverte récemment, déclare "n'être pas tenu au courant comme ses confrères de la localisation de telles cultures".

Joint lundi par l'AP, Me Philip Gaffé, avocat du Syndicat national de l'apiculture et apiculteur lui-même déclarait que cette situation "pourrait être le résultat d'une pratique agricole visant à produire soi-même ses propres insecticides à base de défoliants ou d'herbicide". "Cela ressemble également aux conséquence de l'utilisation de l'imidaclopride", contenu dans le fameux insecticide "gaucho", a-t-il relevé.


http://www.banlieusardises.com/jardinage/img/Fleurs-et-abeilles-009.jpg

De part le monde, les abeilles sont aussi victimes notamment d'un virus!

La disparition massive des abeilles d'élevage aux Etats-Unis est apparemment liée à un virus identifié en 2004 en Israël, selon des scientifiques dont la découverte annoncée jeudi devrait permettre d'expliquer ce phénomène mystérieux et préoccupant, qui frappe aussi ailleurs dans le monde

Un apiculteur le 11 avril à Mission au Texas ...

Ces chercheurs ont recouru à des techniques de séquençage génétique des micro-organismes peuplant les intestins d'abeilles qui vivent dans des ruches saines et de celles frappées de ce fléau. Les échantillons ont été prélevés dans l'ensemble des Etats-Unis au cours d'une période de trois ans.

Ils ont pu établir qu'une variante du virus baptisé IAPV (Israeli Acute Paralysis Virus) qui paralyse les abeilles "pourrait être la cause potentielle" de cette hécatombe, a expliqué, lors d'une conférence de presse, Ian Lipkin, directeur du centre pour l'infection et l'immunologie de l'Université Columbia (New York, est).

L'IAPV était le seul micro-organisme présent dans quasiment tous les échantillons provenant des ruches affectées, soulignent les auteurs de cette étude publiée par la revue Science du 7 septembre.

"Notre prochaine étape est de déterminer si ce virus est la seule cause de ce phénomène de dépopulation massive des ruches, appelée en anglais CCD (Colony Collapse Disorder)" ou s'il agit parmi d'autres facteurs tels des microbes, des toxines, des insecticides ou une nutrition appauvrie par la sécheresse, a-t-il poursuivi.

Selon Jeffery Pettis, entomologiste du ministère américain de l'Agriculture et co-auteur de l'étude, "cette recherche ouvre une très bonne piste mais il est peu probable que l'IAPV soit l'unique cause du CCD".

Les analyses génomiques d'abeilles d'élevage importées d'Australie depuis 2004 ont en effet montré qu'elles étaient infectées par ce virus mais que leurs ruches ne développaient pas le CCD.

Cette différence semble s'expliquer par le fait que les abeilles en Australie ne sont pas infectées par la mite varroa, un parasite commun dans les ruches américaines qui affaiblit leur système immunitaire.

Ces scientifiques ont aussi écarté comme étant "très peu probables" plusieurs hypothèses avancées ces derniers mois pour tenter d'expliquer cette mystérieuse disparition de milliards d'abeilles.

Parmi ces théories figurent les radiations émises par les téléphones cellulaires qui désorienteraient les abeilles et les cultures génétiquement modifiées (OGM).

En revanche, a souligné Diana Cox-Foster, entomologiste à l'Université de Pennsylvanie (est) et principale auteur de l'étude, "certains insecticides chimiques paraissent affaiblir les abeilles, les rendant plus vulnérables à des virus".

Le CCD est un phénomène surtout observé aux Etats-Unis avec une telle ampleur: les abeilles adultes disparaissent de la ruche, laissant le miel et le pollen récolté ainsi que les jeunes et la reine. Le plus souvent, aucun corps d'abeille n'est retrouvé.

On estime que de 50% à 90% des ruches commerciales ont été affectées par le CCD depuis trois ans aux Etats-Unis. Depuis, des cas ont été signalés notamment en Allemagne, en Espagne et en Grèce.

Cette situation sans précédent inquiète les apiculteurs, les producteurs de fruits et légumes ainsi que les pouvoirs publics américains.

Les abeilles domestiques assurent la pollinisation de plus de 90 variétés de fruits et légumes dont les récoltes représentent 15 milliards de dollars par an aux Etats-Unis.



par Alain Genestine
Lundi 27 août 2007